En 1953, la Corée du Sud a dû se construire après plusieurs décennies d’occupation japonaise (1910-1945) et se relever des destructions de la guerre civile (1950-1953). Le pays était alors exsangue : les habitants étaient dans des situations d’extrême pauvreté, les terres dévastées et les infrastructures détruites. Le manque de ressources naturelles et les faibles capacités financières de l’État ont rendu difficile la reconstruction nationale. Jusqu’au début des années 1960, la Corée du Sud a d’ailleurs dépendu presque entièrement de l’aide internationale pour reconstruire ses infrastructures publiques et relancer son économie.

 Le gouvernement a mis en œuvre un plan directeur pour l’aménagement du territoire au début des années 1960. Les axes de ce plan étaient inspirés de la théorie des pôles de croissance, importante dans la discipline géographique de l’époque, qui promeut la concentration des efforts publics dans une série de métropoles. S’appuyer sur ces grandes villes, mieux dotées en ressources, était perçu comme le moyen de déclencher un processus de développement à l’échelle de leur région.

 En Corée, cette stratégie a conduit à une forte concentration spatiale des populations et des capitaux dans une poignée de villes par l’intermédiaire d’une « Planification de régions spécifiques ». Les villes de Séoul, Incheon et Ulsan ont ainsi été sélectionnées comme pôles de croissance ou Zones spéciales à développer. Dans cette perspective, le Programme de développement de parcs industriels a été lancé à Ulsan et à Séoul au début des années 1960. Il a été suivi du Programme de construction de cités industrielles au cours des années 1960 et 1970, dans le but d’accompagner le développement des sites localisés à proximité de ces parcs industriels. Ces projets ont abouti notamment à la formation d’industries chimiques très performantes à Ulsan, Yeocheon, Pohang et Gumi, des villes dont la population s’est très vite accrue sous l’effet d’une forte croissance économique.

 Les migrations urbaines, l’arrivée de nombreuses familles dans les villes, la hausse du revenu national et la recherche d’une meilleure qualité de vie ont entraîné un accroissement de la demande de logements dans les années 1980 et 1990. Sous l’effet de plusieurs initiatives gouvernementales visant au développement du parc immobilier, l’offre de logements a augmenté progressivement : alors qu’en 1950, on comptait seulement 3,2 millions de logements, leur nombre a été multiplié par cinq en soixante ans pour atteindre 18,1 millions en 2011.

 Parallèlement au rapide développement économique de la Corée du Sud dans les années 1960, la modernisation et l’extension des infrastructures de transport a permis d’accompagner la transformation du territoire national. Un des projets les plus remarquables a sans doute été la construction de l’autoroute A1 de Gyeongbu, d’une longueur de 428 kilomètres, reliant Séoul à Busan. Construite à partir de 1968, elle a été mise en service en 1970 et s’est affirmée comme le plus important corridor de développement du pays. À partir de la fin des années 1980, les infrastructures routières ont connu un développement encore plus rapide, en lien avec l’augmentation du parc automobile et du trafic routier. La modernisation du rail a également été enclenchée. En 2004, par exemple, la ligne Séoul-Busan a accueilli un train à grande vitesse (KTX) capable d’atteindre 300 kilomètres par heure. Le transport maritime reste peu utilisé pour des besoins intérieurs, mais s’affirme à partir des ports comme un secteur crucial des échanges commerciaux à l’international. Les principales installations portuaires de la Corée se situent le long de la côte sud-est, facilitant l’importation et l’exportation de matériaux et de produits à destination des industries chimiques situées dans cette région. Le nouveau port de Busan, mis en service en 2006, est notamment devenu un pôle majeur du transport maritime international.

 Le transport aérien a commencé à se développer à l’époque de la colonisation japonaise, lorsque plusieurs aérodromes militaires ont été construits. Les aéroports de Gimpo et de Jeju ont été respectivement mis en service en 1958 et en 1968. Le transport aérien en Corée du Sud a toutefois connu son essor le plus important à partir de 2001, lorsque l’aéroport international d’Incheon, aux standards internationaux les plus exigeants, a été ouvert sur l’île de Yeongjong.

 Parmi les autres projets de développement majeurs mis en œuvre depuis les années 1970, on peut également en citer plusieurs liés aux ressources naturelles et à l’énergie dans le domaine du reboisement et de la poldérisation, ou prévoyant la construction de barrages polyvalents et de centrales nucléaires.

 La forte urbanisation qu’a connu la Corée du Sud depuis le début des années 1960 a eu des impacts majeurs sur sa structure démographique, son environnement naturel, ses institutions sociales et sur son économie. Comme il a déjà été expliqué, le nombre de villes et leur taille ont fortement augmenté parallèlement à la baisse de la population dans les zones rurales, entrainant notamment une diminution de la part de la population engagée dans des activités liées à l’agriculture et à la pêche ainsi que leurs activités connexes.

 Le développement de la Corée du Sud se caractérise par une importante extension des zones métropolitaines. Le phénomène résulte principalement des migrations massives d’habitants des zones rurales à la recherche de travail dans les zones urbaines, en particulier dans la capitale et sa région. Le taux d’urbanisation, qui indique la part de la population urbaine en pourcentage de la population totale, a donc augmenté rapidement jusque dans les années 1980.

 En conséquence de cette urbanisation, les zones rurales souffrent aujourd’hui d’un manque de main-d’œuvre, alors que les rendements agricoles diminuent et que la population vieillit rapidement, accentuant dans certaines régions l’exode d’une partie des habitants. Parallèlement, les zones urbaines sont confrontées à des problèmes de surpopulation : la forte concentration des activités industrielles dans les zones métropolitaines a entraîné de graves problèmes sociaux et environnementaux, tels que des pénuries de logements, la congestion du trafic, la baisse de la qualité de l’air et la dégradation générale de l’environnement.

 En organisant la construction de complexes industriels et de nouvelles villes depuis les années 1960, le gouvernement sud-coréen a mis en place les conditions d’une croissance économique tirée par les exportations. Depuis l’achèvement du complexe industriel d’Ulsan en 1962 et du Site industriel des industries exportatrices de Guro en 1964, de nombreux complexes industriels et les villes qui leur sont liées ont vu le jour. À partir de la fin des années 1960 et tout au long des années 1970, ce phénomène a été manifeste autour de Yeocheon, Pohang, Gumi, Incheon, Changwon et Banwol (Ansan), ainsi que dans bien d’autres localités.

 L’importance de l’eau comme ressource a été reconnue dès les années 1960, et le barrage polyvalent du fleuve Seomjin a été construit en 1965. Plusieurs autres barrages polyvalents ont ensuite été construits au cours des années 1980, notamment ceux de Soyanggang, Daecheong, et Chungju, qui ont de fortes capacités de production d’énergie hydroélectrique. La première centrale nucléaire, la centrale n°1 de Gori, a été mise en service à Busan en 1978, suivie par d’autres centrales nucléaires construites à Wolseong, Uljin et Yeonggwang.

 Au cours des soixante dernières années, le territoire coréen a donc connu de nombreux changements, résultant parfois de projets d’aménagement du territoire à l’initiative du gouvernement, mais plus souvent du fait des processus rapides d’urbanisation, d’industrialisation et de développement d’infrastructures productives qui ont stimulé la croissance économique. Depuis la guerre de Corée, les transformations phénoménales du pays consacrent donc le schéma de transformation du territoire coréen comme un modèle de développement à part entière.

 

 La carte des principaux projets d’aménagement du territoire présente la localisation des projets de complexes industriels, de réseaux de transport, des principaux barrages, des polders. Elle met également en exergue la croissance des zones métropolitaines. Deux grands ensembles se dégagent : les zones de poldérisation se trouvent toutes sur la côte ouest alors que les barrages et aménagements industriels les plus récents se situent principalement dans le sud. À l’est, la côte plus accidentée et la présence de rivières de petite taille ne produisent pas de deltas propices à la poldérisation. Les emplacements des nouveaux barrages et les complexes industriels ont été aménagés en prévention d’un éventuel conflit avec la Corée du Nord. En outre, ces complexes industriels, fortement tournés vers l’exportation, nécessitent un bon accès à des installations portuaires le long de la côte. Les réseaux de transport sont quant à eux bien développés sur l’ensemble du territoire, à l’exception du nord et de l’est du pays.