Édition synthétique

L’économie nord-coréenne et la coopération avec la Corée du Sud

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 La Corée du Nord possède un système économique planifié et centralisé qui est géré par la Commission étatique de planification, elle-même dépendante du gouvernement central. Cette dernière annonce des plans de développement et contrôle strictement les unités économiques inférieures comme les autorités provinciales, les usines et les entreprises. L’économie nord-coréenne se caractérise également par une priorité absolue donnée au développement d’une industrie lourde en parallèle à celui de l’agriculture et de l’industrie légère. Mais le manque de capitaux et la pénurie des ressources ont depuis longtemps contraint l’État à privilégier l’industrie lourde aux dépends des deux autres, ce qui a entraîné difficultés financières et pénuries alimentaires au milieu des années 1990. L’économie a commencé à se redresser après 1999, mais son taux de croissance annuel moyen reste négatif depuis 2006.

 L’un des objectifs majeurs de la Corée du Nord a longtemps été de développer une économie autosuffisante. Cette ambition l’a malheureusement amenée à sous-estimer l’importance de la coopération économique internationale. Le pays s’est donc contenté d’importer un minimum de matières premières indispensables, essentiellement depuis d’anciens pays socialistes. L’échec de cette politique l’a ensuite conduite, à partir des années 1970, à envisager une coopération économique avec d’autres pays étrangers. En 1991, une première zone économique spéciale a été créée dans le nord-est, à Rajin-Seonbong, afin d’attirer plus activement les capitaux étrangers. Le phénomène s’est accéléré à 2002 : Sinuiju a été désignée zone administrative spéciale, tandis que le complexe industriel de Gaeseong est devenu une zone économique spéciale, tout comme la région du mont Geumgang.

 En 2008, 36% de la population nord-coréenne travaillait dans le secteur primaire, 34% dans le secteur secondaire, et 30% dans le tertiaire. Dans les deux provinces du Hwanghae (du Nord et du Sud), véritables réservoirs à riz du pays, une très grande partie de la population est employée dans le secteur primaire, avec des taux respectifs de 58% et 45%. En revanche, dans le Pyeongan du Sud, le secteur secondaire domine avec 44% des actifs car c’est cette province qui possède les plus importants gisements de charbon du pays. En outre, de grandes installations industrielles, telles que l’Aciérie Cheollima, l’Usine des machines de Daean et la Fonderie de Nampo sont situées dans cette même ville de Nampo. Le secteur des services enregistre généralement une croissance plus lente, à l’exception de Pyongyang.

 En 2010, la Corée du Nord a également promu la zone économique spéciale de Najin-Seonbong au rang de ville spéciale, sous le nom de Naseon. La Corée du Nord a alors cherché à coopérer avec la Chine pour développer cette région ainsi que la zone économique spéciale des îles Hwanggeumpyeong-Wihwa, sur le fleuve Yalu (entre Sinuiju et Dandong). En 2013, la promulgation de la Loi sur les zones de développement économique a été suivie par l’annonce de la création de treize zones correspondantes pour attirer les investissements étrangers tout en renouvelant le statut de Sinuiju comme zone économique spéciale. À la fin de cette même année, la Corée du Nord a annoncé son intention de créer une autre zone de développement à Gaeseong avec un parc industriel Hi-Tech. En 2014, elle a encore sélectionné six autres zones de développement économique, dont celle d’Unjeong dans le nord de la municipalité de Pyongyang.

 Les échanges et la coopération entre les deux États coréens furent inexistants de 1945, année de la division de la péninsule, aux années 1960. Il a fallu attendre le début de la décennie 1970 pour que les deux pays envisagent la possibilité d’échanger des marchandises via leurs Croix-Rouges respectives. Et c’est seulement en 1994 que l’administration Kim Young-sam a enfin annoncé une première série de mesures concrètes pour stimuler la coopération économique intercoréenne. Une seconde série de mesures prises par l’administration de Kim Dae-jung (1998-2003) et la tenue d’un premier sommet avec le dirigeant nord-coréen en 2000 ont ensuite permis d’entrer dans une nouvelle phase de coopération.

 Cette coopération économique entre le Nord et le Sud a débuté par un commerce « ordinaire » avant de se tourner vers le commerce de processing (qui couvre les opérations internationales d’assemblage) et les investissements directs. Les différents projets comprennent le tourisme au mont Geumgang, une ligne de chemin de fer intercoréenne, la construction de routes et le développement du complexe industriel de Gaeseong. Le tourisme au mont Geumgang a été inauguré fin 1998 et le Nord a désigné la région de cette célèbre montagne comme une « zone touristique spéciale » par une loi datant de 2002. Les voyages vers cette destination ont cependant été suspendus à partir de juillet 2008, lorsqu’une touriste sud-coréenne a été abattue par un soldat nord-coréen. Par ailleurs, les deux États ont décidé, au terme de pourparlers ministériels en juillet-août 2000, de réhabiliter un tronçon de la ligne de chemin de fer Séoul-Sinuiju (dite ligne Gyeongui), ainsi qu’une portion de la route Munsan-Gaeseong. La cérémonie d’inauguration de ces deux voies de communication transfrontalières s’est déroulée le 18 septembre 2002. Elle a été suivie par l’ouverture temporaire de la ligne Gyeongui en 2003 pour accélérer le développement du complexe industriel de Gaeseong. En parallèle, la ligne Donghae (littéralement « mer de l’Est ») a été ouverte en 2003 pour faciliter l’accès des touristes au mont Geumgang. Un service régulier de train de marchandises a également été lancé à la fin de l’année 2007 sur les lignes Gyeongui (Munsan-Gaeseong) et Donghae (Mont Geumgang-Jejin).

 Le développement de la zone industrielle de Gaeseong a débuté en juin 2003 dans un complexe de 3,3 millions de m2, et les premières marchandises produites ont été commercialisés en décembre 2004. Mais des difficultés sont survenues lorsque la Corée du Nord a temporairement réduit la circulation par voie terrestre en décembre 2008. Cela n’a cependant pas empêché une croissance rapide des activités, avec 123 entreprises employant jusqu’à 55 000 travailleurs nord-coréens sur site en 2015. Les volumes de production cumulée ont atteint 563 millions de dollars cette même année.

 Ces différents progrès ont eu une retombée positive sur la question des familles séparées. Lorsque les échanges économiques intercoréens ont connu leur apogée entre 2003 et 2007, il était possible pour ces familles de s’enquérir de l’existence de leurs proches vivant de l’autre côté de la ligne de démarcation, de communiquer avec eux par voie postale et de se réunir par, et même en dehors du canal gouvernemental. Mais avec le refroidissement des relations intercoréennes entre 2008 et 2018, ces familles séparées sont restées dix ans sans aucun contact.