Édition synthétique

Polders et endiguements

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 La poldérisation est une opération qui consiste à conquérir de nouvelles terres près des côtes en les gagnant sur la mer ou des bras de mer par endiguement, assèchement et comblement avec de la terre et toute sorte de matériaux artificiels. Ces nouvelles terres sont des atouts considérables pour l’aménagement du territoire. La côte occidentale de la Corée du Sud se prête particulièrement bien à des programmes de poldérisation. Des zones économiques, des quartiers d’habitation, des aéroports, des parcs industriels, des terres agricoles, des infrastructures de transport et des ports maritimes ont été implantés sur un vaste système de polders dont le plus célèbre est celui de l’aéroport international d’Incheon. Un autre grand projet coréen est l’aménagement du lac Sihwa, initialement prévu dans un but prioritairement agricole et énergétique. Il s’enorgueillit d’être la plus puissante usine marémotrice du monde (se reporter à la planche sur les marées en Corée).

 La plupart des systèmes de poldérisation en Corée du Sud ont été conçus pour des usages agricoles en se préoccupant aussi de la protection des zones humides et de la faune sauvage. Mais les entreprises humaines laissent rarement le temps nécessaire aux processus naturels pour qu’ils se mettent en place dans des environnements à l’équilibre écologique satisfaisant. Ce problème a tendance à créer des conditions artificielles dépourvues de la stabilité inhérente aux processus naturels. Tout en développant de grands projets de poldérisation, on doit donc s’efforcer d’y incorporer une dimension « naturelle », par exemple en créant des aires d’alimentation des oiseaux ou des zones humides anthropiques vouées à la préservation de plantes sensibles ou à la protection du milieu marin. De nombreuses étapes et de nombreux ajustements seront nécessaires pour fabriquer et renforcer les conditions « naturelles » permettant d’accueillir des espèces qui ont mis des générations à s’adapter aux conditions de leur habitat naturel.

 

 Depuis les années 1970, la Corée a eu recours à des entreprises privées et à des nouvelles technologies pour concevoir et réaliser ses vastes projets de poldérisation. On peut comparer deux projets particulièrement importants, mais fort différents l’un de l’autre.

 

Le polder de Seosan

 Le projet privé de poldérisation de Seosan, dans le Chungcheong du Sud, a été lancé en 1980 et achevé en 1995. La digue atteint un total de 7 686 m, incluant les secteurs A et B (voir carte des usages du sol). Le polder couvre 15 409 ha dont 9 626 pour le secteur A et 5 783 pour le secteur B.  Ce polder agricole s’accompagne d’un espace de rizières très étendu. À la faveur de cette opération, on a aussi créé le réservoir de Ganwol dans le secteur A et celui de Bunam dans le secteur B. Ganwol (voir image satellite de 1983) qui a été relié au continent est désormais une attraction touristique, réputée pour sa production ostréicole. La qualité de l’eau du réservoir a baissé et plusieurs programmes sont en cours pour l’améliorer.

Ce projet de poldérisation a contribué au développement de la ville de Seosan. Au sein de la grande zone agricole qu’il a créé, on s’est préoccupé de protéger l’habitat de l’avifaune en limitant l’accès des visiteurs. En outre, l’abondance de grain rend l’endroit attractif pour les oiseaux migrateurs (sarcelle du Baïkal, oie de la toundra et buse) auxquels il offre un habitat hivernal. En revanche, certaines espèces comme les piquebaies se sont raréfiées après la construction des digues.

 

L’endiguement de Saemangeum

 Le projet d’endiguement de Saemangeum est public. Il a commencé en 1991 et a été achevé en 2006. C’est l’endiguement le plus long du monde avec une longueur totale de 33,9 km. Cette opération a créé 28 300 ha de terres et un lac de 11 800 ha. Saemangeum est né de la volonté d’établir de nouvelles terres fertiles comparables aux plaines de Mangyeong et de Gimje. Saemangeum signifie le nouveau (sae) Mangeum et doit son nom à la combinaison des premiers caractères des toponymes des deux plaines (le caractère geum se prononce aussi gim dans ce cas).

 Le plan d’aménagement de Saemangeum a été modifié à plusieurs reprises. Le plan de 2014 développe six domaines :
industrie-recherche, coopération internationale, tourisme et loisirs, agriculture, urbanisation, nature et écosystèmes. Ce projet doit aider l’économie locale par un gain territorial, la création d’un riche terroir agricole, la sécurisation des ressources en eau et la mise en place d’une zone touristique. Cependant, des problèmes sont apparus au cours du développement du projet dont des dommages aux vasières littorales et la pollution de l’eau. On assiste à la diminution du rôle d’étape sur les itinéraires migratoires des oiseaux. Une réflexion est aujourd’hui conduite afin d’atténuer ces problèmes. Par ailleurs, les agriculteurs locaux se sont opposés au projet en disant qu’ils n’avaient pas besoin d’obtenir davantage de terres agricoles dans un contexte de baisse de ce secteur dans l’économie nationale. L’opposition au projet au nom de l’environnement semble venir davantage de mouvements mondiaux que de groupes internes au pays.