Édition synthétique

Changement climatique et végétation

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 À mesure que les températures augmentent, les zones de végétation dans l’hémisphère Nord migrent vers des régions plus septentrionales, ainsi que des basses vers les hautes terres. Aux latitudes tempérées, une hausse d’1°C devrait conduire à un déplacement des plantes de 150 km en latitude et de 150 m en altitude, rendant difficile l’adaptation de certaines d’entre elles à un changement si rapide. Les risques d’extinction ou de diminution de l’habitat s’accentuent pour certaines espèces. L’appréhension de ces changements est possible à travers l’observation sur le long terme des microclimats, des variations saisonnières et des évolutions physiologiques des plantes (débourrement et floraison).

 Au cours du XXe siècle, la température moyenne a augmenté de 0,7°C à l’échelle du globe, et de 1,5°C en Corée. Si cette tendance se poursuit, la péninsule devrait connaître une hausse de 6°C d’ici la fin du XXIe siècle, ainsi que des précipitations accrues de 20%. Les variations de la période de floraison accompagnent ce phénomène. L’adoucissement des températures printanières pourrait donc conduire à un débourrement précoce et un raccourcissement du nombre de jours d’anthèse, moment où apparaissent jeunes feuilles et fleurs.

 

 Un bon indicateur de cette évolution des températures sur le territoire coréen est la migration vers le nord
de la péninsule des principales cultures. La carte montre le déplacement des sites de production de fruits sur une distance de 160 à 400 km, entre 1990 et 2010. Les fruits subtropicaux tels que les mandarines et les dekopons (agrume local connu en coréen sous le nom de hallabong) étaient uniquement cultivés, jusqu’à une période très récente, sur l’île de Jeju. Aujourd’hui, ils peuvent l’être à Gimje, Goheung et Cheongju, tandis que Jeju produit désormais des fruits tropicaux comme la mangue, le pitaya (ou fruit du dragon), la papaye et la pomme cannelle. De même, de nombreuses plantations se sont déplacées au nord de leurs sites d’origine qui se trouvaient dans les provinces les plus méridionales. Les pommes sont ainsi remontées à Pocheon, les raisins à Yeongwol, les figues à Cheongju et les pêches à Paju. Cette évolution est liée à un décalage des saisons culturales qui résulte de l’augmentation de la température moyenne. Il ne faut pas non plus négliger d’autres facteurs comme les conditions pédologiques, les orientations des versants, les vents et les pluies.

 

 Les changements climatiques conduisent également à des variations d’aires cultivées pour les légumes, comme le montrent ces deux cartes de la production du chou chinois dans la chaîne montagneuse du Taebaek. Elles détaillent l’évolution des zones les plus adaptées à cette culture en montagne, lesquelles tendent à se réduire entre les deux périodes évoquées. L’altitude est un facteur essentiel pour la production du chou chinois, et la hausse des températures peut donc jouer un certain rôle sur les espèces concernées.

 

 Les changements climatiques n’influent pas uniquement sur la répartition des plantations, car ils sont aussi responsables de menaces potentielles pour la sécurité alimentaire, comme les maladies des plantes et la prolifération d’insectes. Même les principales zones d’élevage de montagne dans le Gangwon sont vouées à diminuer. Le gouvernement coréen cherche aujourd’hui à limiter les conséquences du changement climatique sur le secteur agricole en élaborant par exemple des plans à long terme en vue d’adapter l’agriculture et l’élevage. De nouvelles plantes ont été introduites et de nombreuses semences ont été collectées dans les régions tropicales et subtropicales via des collaborations scientifiques avec des pays ultramarins. Le diagnostic et l’évaluation scientifiques des effets du changement climatique sur le secteur agricole sont nécessaires afin d’anticiper ce que sera le futur de l’industrie agroalimentaire et donc les nouvelles politiques à adopter dans ce secteur.

 Les incertitudes relatives aux effets du réchauffement planétaire ainsi qu’aux phénomènes météorologiques extrêmes conduisent à anticiper les changements pour le biote coréen au moyen de différentes mesures. Des études sont en cours pour analyser la nouvelle distribution spatiale et les risques qui y sont associés. Depuis 2009, l’Arboretum National de la Corée a mis en œuvre un plan d’adaptation des espèces végétales qui sont vulnérables aux changements climatiques. Ce plan a recensé pas moins de 100 espèces en s’appuyant sur des données climatiques observées à l’échelle régionale. Ces espèces sont minutieusement suivies. Les modifications de leur habitat et de leur distribution spatiale seront dans un avenir proche les conséquences de probables compétitions inter-espèces.

 Les deux jeux de cartes illustrent les changements envisagés d’ici la fin du XXIe siècle dans l’apparition du premier bourgeon et des premières feuilles pour deux espèces : l’if du Japon (Taxus cuspidate) et le sapin de Corée (Abies koreana). Les couleurs représentent le nombre de jours à partir du 1er janvier de chaque année. Chacune de ces espèces devrait être affectée de façon différente, en fonction de ses caractéristiques de croissance. Ces données issues des scénarios RCP s’appuient sur les connaissances concernant le réchauffement global, mais aussi les activités humaines et les émissions de gaz à effet de serre. Le scénario RCP 4,5 présente logiquement des effets moins graves que le scénario RCP 8,5.

 Pour ce qui est des variations saisonnières des périodes de croissance végétale, le débourrement hivernal et la période de développement des feuilles de l’if du Japon (Taxus cuspidate) et du sapin de Corée (Abies koreana) devraient débuter plus précocement. Des plantes d’altitude pourraient voir leur population décliner au sommet de certaines montagnes, comme le mont Halla (île de Jeju), le mont Jiri (au centre-Sud), et le mont Seorak (sur la côte Est). Ces plantes sont le sapin de Corée (Abies koreana), l’épicéa du Japon (Picea jezoensis), la camarine noire (Empetrum nigrum), l’if du Japon (Taxus cuspidate), le sapin de Khinghan (Abies nephrolepis) et le thuya de Corée (Thuja koraiensis). La conservation de plantes septentrionales qui peuplent des environnements comme les montagnes alpines ou sub-alpines, les îles et les zones dites de bulles sans vent est devenue clairement nécessaire. Ces modélisations se basent ici encore sur les scénarios RCP déjà évoqués dans les pages précédentes.

 Les études effectuées incluent la réalisation de cartes prévisionnelles des habitats appropriés pour les espèces classées en tant qu’« indicateurs biologiques du changement climatique » (CBIS, Climate-sensitive Biological Indicator Species) et pour celles qui sont en phase d’être concernées. L’arbre argenté du Japon (Neolitsea sericea), l’arbre à baies du Japon (Machilus thunbergii) et la fougère fourchue de l’Ancien monde (Dicranopteris linearis) comptent parmi les plantes subtropicales à feuillage persistant qui sont représentatives des provinces méridionales de la Corée. Ces espèces subtropicales devraient s’étendre à l’échelle nationale dans les décennies à venir en raison de l’accélération du réchauffement climatique. Ceci pourrait se traduire par une concurrence sérieuse avec les plantes tempérées qui peuplent ces régions plus septentrionales. Une surveillance continue et des recherches à long terme pour anticiper les situations à venir sont menées pour atténuer les dommages attendus sur la biodiversité. Les résultats de l’étude devront être pris en compte, d’une part, dans l’élaboration des politiques d’adaptation au changement climatique pour la défense de la biodiversité en Asie de l’Est et, d’autre part, dans la mise en place des critères de sélection des espèces dont l’indice biologique est sensible au climat.

 

 Les neuf cartes de localisation des trois espèces à feuillage persistant ci-contre présentent à la fois la situation actuelle et les projections pour 2050 et 2100. Ces projections sont à nouveau issues de scénarios RCP. Les écosystèmes d’espèces aussi spécifiques sont liés à une combinaison de conditions environnementales très complexes. Certaines espèces sont sensibles à d’infimes changements alors que d’autres peuvent s’acclimater dans des environnements fort différents.

 Les projections laissent entendre que les trois espèces envisagées seront beaucoup plus présentes dans la péninsule et des îles comme Jeju d’ici les prochaines décennies. Cela ne signifie cependant pas qu’elles occuperont dans les faits l’ensemble des zones considérées dans les projections comme habitat probable.